samedi 7 novembre 2009

Hiroshima mon amour d'Alain Resnais

Pour Resnais, il est plus important d'évoquer le traumatisme d'un crime (l'atomisation d'Hiroshima) ou d'un interdit (aimer un soldat allemand alors qu'il occupe un territoire en temps de guerre) que le crime ou l'interdit en lui-même. Présenter le souvenir et le ressenti plutôt que l'événement. S'attacher davantage au rapport entre le personnage et l'événement (la bombe atomique pour le japonais, l'Occupation pour la française) plutôt qu'au rapport entre une date ou un lieu (1944 à Nevers, 6 Août 1945 à Hiroshima) et l'événement. L'enjeu du film est donc de présenter les répercussions de l'Histoire sur ses victimes, celles qui sont toujours vivantes. Ainsi, Hiroshima mon amour, tout comme Nuit et Brouillard, évite l'écueil du "monument aux morts". Comme le confiera plus tard le cinéaste, toutes les images de son film sont au présent. Le premier long-métrage de Resnais confronte et confond les temps pour ne plus en former qu'un seul. Les deux esthétiques du film sont étrangement similaires. Le réalisateur a pourtant choisi deux chefs opérateurs différents, de nationalités différentes, aux parcours différents. Pire encore, il empêche Sacha Vierny, le chef opérateur des séquences tournées à Nevers, de voir les prises de vues effectuées quelques jours auparavant par Takahashi Michio à Hiroshima, pour ne pas en être imprégné. Resnais souhaite manifestement comparer voire opposer les époques, qui s'entrechoquent à tel point qu'elles ne forment plus qu'un temps, celui du présent. Ainsi, les mains soignées d'Elle dans le bar à Hiroshima se confrontent aux mains tachées de sang dans la cave de Nevers. Ses cheveux longs d'aujourd'hui se confrontent aux cheveux rasés d'hier. Resnais développe dans Hiroshima mon amour l'esthétique de la confrontation. L'importance des corps rend fidèlement hommage au scénario de Duras et à sa littérature: comme les époques, les corps nus s'entrechoquent à tel point qu'il n'en existe plus qu'un seul. Telle la mante religieuse, Elle dévore ses amants jusqu'à les confondre. Cinématographiquement, cela se traduit par les fondus enchaînés qui introduisent l'histoire, la leur, celle des amants. Avec beaucoup de poésie, la sueur les fait fondre, ils fusionnent en un seul corps; celui, meurtri, de la victime de la Seconde Guerre Mondiale.

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