jeudi 19 mai 2011

La Conquête de Xavier Durringer



Avant même sa sortie, un film faisait beaucoup parler, frémir certains et exaspérait d’autres. Plus polémique que le W. d’Oliver Stone, dont la sortie coïncidait, à une semaine près, avec l’élection présidentielle américaine, à laquelle George W. Bush ne participait pas, La Conquête, sorti un an avant l’élection présidentielle française, qui pourrait voir la réélection du personnage évoqué. Les spéculations sur une possible influence du film sur le vote des Français en 2012 étaient innombrables, et voilà que déjà les débats étaient lancés et le film, jugé, catalogué, enterré avant même d’être vu. Fascinant spectacle pour les cinéphiles que de voir à quel point un film peut se faire le miroir de tous les fantasmes d’un peuple. La déception sera amère pour ceux qui ne se résigneront pas à accepter le film qu’ils ont vu, alors que la surprise sera de taille pour ceux qui accepteront de ne pas voir le film espéré, mais un autre, à mille lieues d’une quelconque polémique.
On pourra bien sûr, regretter que sa vie personnelle soit mise à nu, ou au contraire, se réjouir de voir la récupération cinématographique d’une intimité qui a été vendue pendant la campagne de 2007. Quoi qu’il en soit, et plus encore que les films en trois dimensions, La Conquête est le film à voir en salles, avec un public. Les répliques, connues de tous, semblent s’accumuler dangereusement[1], et aucune montée en puissance n’est exposée durant le film. Durringer annonce avant même le générique que La Conquête est une œuvre de fiction. Tout ce qui est attendu est expédié (des crocs de boucher promis à Villepin au Je décide, il exécute de Chirac), car ce qui intéresse profondément le cinéaste n’est pas d’illustrer une spectaculaire renaissance politique, mais une rupture, non pas politique, mais sentimentale. La Conquête raconte l’histoire d’un homme qui avance et d’une femme qui décide de s’arrêter. Une séquence, qui arrive assez tôt dans le film, expose parfaitement la situation du couple. Filmés par des caméras de France 2, Nicolas et Cécilia Sarkozy, à priori unis, font du vélo. Le futur candidat amorce une échappée, laissant sa femme seule, laquelle finit par abandonner la course en manquant de percuter la voiture de France 2. Durringer filme un couple à deux vitesses, une vie à deux temps : celui de l’intime, et celui de l’intime dévoilé. L’intime est moins convaincant, la séparation du couple n’étant pas assez bien mise en scène (l’idée de couper le son lors de la dispute est intéressante, mais bien vite avortée, alors qu’elle permettait un détachement conséquent du spectateur sur ce qu’il voit : une séparation, et non pas la séparation), alors que l’intime dévoilé permet au réalisateur de développer l’une de ses principales idées : le dispositif médiatique, qu’il rapproche du cirque. Dans la séquence à vélo, toujours, un plan fixe présente le plus sobrement possible cet oxymore - l’intime dévoilé – par les limites d’un cadre. D’abord l’intimité : un couple à vélo, qui entre par la droite du cadre et en sort par la gauche. Puis, le dévoilement : la couverture médiatique, la voiture de France 2, qui suit le même chemin, de la droite vers la gauche du cadre. Cette mise en scène des mouvements dans un cadre défini est la marque d’un cinéaste calme, qui a saisi l’intérêt qu’il porte à son sujet. Durringer évite tout mécanisme de campagne, toute brutale montée en puissance d’un animal politique, toute ferveur dans son cadrage, toute avarice dans son montage. On ne trouvera pas de plans inutiles lors des meetings, mais un partage de deux Sarkozy dans un cadre : celui, à taille humaine, de chair et de sang, qui énonce son discours, et celui, agrandi, pixélisé, filmé et offert à tous les militants. Par une légère contre-plongée, le second semble peser sur les épaules du premier, pour prendre sa place.
Si certains ont vu en La Conquête un film comique, par son traitement du dispositif médiatique (ce qu’il y a derrière les images que nous avons vues), il faut surtout retenir le drame qu’il rejoue, et met en scène aux yeux de tous : celui d’un couple disloqué, à deux vitesses, qui sera séparé dans le dernier plan du film par une foule immobile de conquis, quelques heures après la victoire d’un candidat en marche, prêt à monter sur la scène de la Concorde, ébloui par les lumières et les cris de joie. Cécilia se rangera ironiquement du côté des conquis, dont elle partage l’immobilité mais pas l’ivresse, l’ombre, mais pas l’éclat.


[1] Hasard de l’actualité, Sarkozy dit même à une femme que tous les hommes politiques sont des bêtes sexuelles, ce qui ne manque pas de susciter des réactions amusées du public.

vendredi 13 mai 2011

La mise en scène des corps chez Eric et Ramzy

Il est primordial, lorsque l’on décide d’évoquer les films avec Eric et Ramzy, de préciser que ce sont aussi des films d’Eric et Ramzy. Nul mépris des différents réalisateurs qui ont contribué à construire la carrière cinématographique du duo, Eric Judor et Ramzy Bédia ayant simplement collaboré avec les différents cinéastes dans l’écriture des films qui seront abordés[1]. Si le plus fameux duo comique de l’histoire du cinéma, Laurel et Hardy, a conservé une cohérence (de plus en plus incertaine au fil des ans) artistique, c’est parce que Stanley Laurel participait activement à la production, à l’écriture et à la réalisation des gags. Il en est de même pour Eric et Ramzy, qui, après avoir participé à la série H, apparaissent pour la première fois au cinéma dans un film réalisé par Charles Némès, collaborateur régulier de la série. Il faudra attendre sept ans pour que le duo passe à la réalisation, avec Seuls Two, probablement encouragé par son projet précédent, Steak, et sa direction artistique qui les éloignait de films creux comme Double Zéro ou Les Dalton. Quel que soit le réalisateur, Eric Judor et Ramzy Bédia sont mis en scène ensemble, en amis, en couple, en tandem. Cette expression de tandem sous-entend la prise d’une direction commune qui, même périlleuse, se terminera à deux.
C’est l’essence même du cinéma d’Eric et Ramzy : une union des corps.
Se retrouvant dans un faux remake de Die Hard[2], Eric et Ramzy, dans le rôle de Bruce Willis, doivent cohabiter dans un seul personnage : celui du sauveur. Dans Seuls Two, leur monde disparaît à mesure qu’ils se détestent et s’évitent. Le cas particulier de Steak retourne habilement ce leitmotiv en les faisant se séparer pendant les deux tiers du film. Si le duo se transforme en deux personnages autonomes, il se dissout et le film aura pour tâche de les réunir. Serait-ce pour autant l’un des enjeux du duo comique au cinéma ? Leur volonté (ou non) de rester unis implique de longues batailles de diverses natures faisant naître le gag. Tout duo comique est aussi facilement identifiable et caricaturable : le maigre et le gros pour Laurel et Hardy, le petit aigri et le grand simplet pour Louis De Funès et Bourvil, le petit chauve et le grand maigre pour Eric et Ramzy. Cette opposition physique suscite le rire par des rapports de forces entre les deux comiques, mais aussi entre un corps et son milieu.

1- Rester unis

Dans les trois films les plus emblématiques d’Eric et Ramzy se pose la question de l’unité au sein du duo. Menacés par des séparations, les deux amis doivent lutter pour conserver l’autre. Dans Seuls Two, Gervais (joué par Eric Judor) s’accroche à Curtis (joué par Ramzy Bédia), non seulement pour l’attraper – Gervais est policier alors que Curtis est cambrioleur – mais aussi et surtout pour que les habitants réapparaissent. L’unité doit être sincère afin de permettre à Gervais de retrouver sa fiancée, avec laquelle il doit se marier au plus vite. Dans La Tour Montparnasse Infernale, c’est l’inverse : c’est Ramzy qui cherche à rester auprès d’Eric, déterminé à sauver Marie-Joëlle, la femme qu’il aime et qui est alliée aux preneurs d’otages. Si Eric choisit Marie-Joëlle, ce sera au détriment de Ramzy, et de leur couple. La question de l’homosexualité supposée de Ramzy vient d’ailleurs renforcer cette distance entre les deux corps, qui ne peuvent plus se toucher sans arrière-pensée. Une séquence vient confirmer cette hostilité de Ramzy à une rupture avec Eric : celle de leur première rencontre avec Marie-Joëlle, dans le couloir menant aux vestiaires.
Eric porte autour de son cou la main de Madame Lanceval, recherchée par les terroristes (payés par Marie-Joëlle) et permettant d’ouvrir un coffre où se trouvent cinquante millions de francs. Marie-Joëlle parle d’abord à Eric, qui la prend pour une otage rescapée. Elle se dirige lentement vers son arme, tombée juste devant la porte du vestiaire où est resté Ramzy. L’apparition de ce dernier provoque un premier incident, qui embarrasse Marie-Joëlle mais qui sauve Eric : en ouvrant la porte, il renvoie le pistolet à l’autre bout du couloir. Un insert montre d’ailleurs l’arme, seule dans un cadre, un autre espace que celui des trois protagonistes. La première menace est clairement écartée. La seconde, plus subtile, concerne le duo Eric et Ramzy, et le couple Ramzy / Marie-Joëlle. Ramzy et Marie-Joëlle semblent se disputer la garde de l’enfant Eric[3], qui se trouve effectivement toujours au centre du cadre (figures 1 et 2), séparant les deux autres (avant de le faire physiquement, lorsqu’ils se font la bise). Le positionnement d’Eric dans l’espace prouve qu’il est le centre des préoccupations des deux autres. Il finit par renverser la situation en donnant une gifle à Ramzy, lequel devient l’enfant du couple Eric / Marie-Joëlle. C’est donc Ramzy qui quitte cet espace devenu trop petit pour lui, et son personnage devient un embrayeur de mouvement. Marie-Joëlle se rapproche dangereusement de l’arme, mais Eric la retient pour lui parler. Le dispositif se renouvelle dans un nouvel espace, lorsque Ramzy entre dans le conduit d’aération. Eric est de nouveau au centre de l’action, et Ramzy ira jusqu’à le tirer à lui pour le garder, et ainsi, sauver le duo.
Figure 1
Figure 2
Cette séparation évitée deviendra effective dans Steak, lorsque Georges (Ramzy) est gêné par Blaise (Eric), son ancien ami, alors qu’il pratique un sport étrange à base de baseball et de calcul mental avec sa nouvelle bande, les Chivers. La précision de la composition sert totalement le sentiment de rejet exposé durant la scène.
La séparation est double : horizontale et verticale. Georges affirme à ses amis qu’il ne connaît pas Blaise : il n’est pas dans le même espace que Blaise, puisqu’ils sont séparés par l’arbre (figure 1), qui créé une ligne verticale, et le grillage. Il faut attendre que Georges chuchote à Blaise : Qu’est-ce que tu fous là ? pour qu’il soit dans le même espace que son ami, bien que séparé par la grille. Lorsque Georges revient au jeu en s’adressant aux Chivers, il est à nouveau séparé de Blaise par une autre ligne verticale, celle d’une barre métallique supportant le grillage[4] (figure 2). Cette unité n’est pas perdue dans Steak ; elle n’existe pas. Dès l’ouverture du film, et la première rencontre entre les deux amis, un décalage dans les mouvements et les attitudes démontre que le lien qui unissait autrefois Georges et Blaise n’existe plus. Blaise, sur son vélo, tourne autour de Georges en lui parlant, sans que celui-ci ne s’arrête de marcher, ne prêtant même pas attention à la présence de Blaise. Plus tard dans le film, c’est au tour de Blaise d’être admis par les Chivers, au détriment de Georges. Le leader des Chivers, Dan, invite Blaise au bar, le renomme Chuck, et lorsque le serveur lui demande son nom, il donne son vrai prénom, Blaise. A ce moment précis, Georges entre dans le champ, à l’arrière-plan, flou, entre Dan et Blaise. Georges apparaît comme un souvenir lointain, flou, qui a valu à Blaise de passer sept années dans un centre d’internement. Magnifique et cruelle revanche de Blaise, prêt à démarrer une nouvelle vie, sans Georges.
Figure 1

Figure 2


Ce manque d’unité n’est cependant pas généralisé dans l’œuvre d’Eric et Ramzy. Ils font souvent preuve d’une exceptionnelle détermination à rester soudés, proches, moins par peur de la solitude que par amitié. Cette détermination se manifeste par une confrontation aux lois physiques. La peur de la solitude se transforme en amitié dans Seuls Two, lorsque Gervais imite Curtis en sautant d’un toit à un autre. La prouesse est impossible à réaliser, l’écart entre les toits étant trop important, et Gervais manque même de tomber dans le vide avant de se redresser miraculeusement, déterminé à rester avec Curtis. Dans La Tour Montparnasse Infernale, Ramzy fait preuve d’une force surhumaine pour sauver Eric. Ce dernier subit dans le film, à une exception près, les lois de la gravité. Son imagination est vite confrontée à la réalité : en s’accrochant à une lance à incendie et en sautant de la tour pour sauver Marie-Joëlle, il s’assommera contre une fenêtre. C’est ainsi que Ramzy provoque l’étonnement : après avoir compris qu’il avait un problème de force vers le bas, il essaye de remonter Eric en le balançant d’un côté à l’autre de la tour. Eric en paiera les frais puisque son crâne se cognera aux fenêtres de la tour. Eric défie la gravité une seule fois, mais cette exception relève de la parodie, puisqu’il évite en armure de chevalier des balles comme Néo dans Matrix. Ces défiances vis-à-vis de la gravité illustrent une soif de vivre, ou plutôt de survivre, dans un milieu hostile inadapté à Eric et à Ramzy.

2- Rapports de forces

Pour que le duo reste comique, il doit y avoir un rapport de force conséquent dans les différents films. Un rapport de force entre  deux personnes, mais aussi entre le corps et son espace. Les personnages sont tous les deux inadaptés, quels que soient leur rôle. Dans Seuls Two, Curtis semble trop grand pour les jouets avec lesquels il s’amuse (figure 1) (il peine à sortir de la Formule 1 qu’il conduit), alors que Gervais est trop petit pour le rôle qui lui est attribué : policier (en étudiant un plan rendant compte des déplacements de Curtis, Gervais tire involontairement avec l’arme qu’il tient à la main - figure 2 - sans raison[5], comme s’il était persuadé qu’elle était fausse). Ramzy connaît également un problème de taille dans Steak : beaucoup trop grand par rapport à ses camarades de classe, il est rejeté  et même violenté par les autres. C’est un inadapté total qui n’est jamais à sa place : il marche sur une route et ralentit sans s’en rendre compte une voiture, ne comprend pas les règles du jeu des Chivers (il met du temps à se positionner et à comprendre les règles absurdes). Mais, dans cette solitude, il est rejoint par Blaise, qui lui non plus ne trouve plus sa place dans sa maison, désertée par ses parents[6], partis pour fuir la honte que leur fils a involontairement provoquée. Le sentiment de malaise du film vient encore une fois du contraste entre l’âge des acteurs et celui des personnages qu’ils incarnent. A 38 ans, Eric Judor devrait être capable de se nourrir et de se réveiller tout seul. Or, Blaise pourrait être lycéen (le fait de ne pas le voir une seule fois au lycée renforce l’incertitude), comme son ami Georges. Blaise, donc, rejoint Georges par une analogie du montage : les deux personnages, isolés, sont montrés dans une même situation et ainsi rapprochés. Cette idée de narration sera reprise l’année suivante par Eric et Ramzy dans leur première réalisation. Gervais et Curtis ont des corps qui leur échappe : le premier a des crises d’épilepsie, le second reçoit une flèche en pleine tête qui le fait convulser.

Figure 1
Figure 2



Lorsqu’ils sont réellement ensemble, Eric et Ramzy peuvent vivre à deux leur inadaptation. Dans La Tour Montparnasse Infernale, leurs chaussures sont collées au sol après l’explosion d’une bombe, et ils éprouvent des difficultés à se déplacer. La disharmonie sol / chaussures leur permet de croire à une pizza quatre chaussures… Du chaos naît un ordre nouveau, puisque l’insolite est normalisé. Lorsqu’Eric prendra une barre brûlante pour assommer un terroriste, c’est la disharmonie barre brûlante / main qui lui permettra de brûler le visage du terroriste avec sa main brûlée, et de le vaincre consciemment. C’est une idée du burlesque héritée de Chaplin qui est appliquée ici : détourner l’usage des éléments à disposition du personnage pour surprendre l’adversaire (et faire rire le spectateur). Eric fabriquera ainsi une arme improbable avec un porte-manteau, des câbles et un ordinateur, pour contrer les armes bien plus efficaces des preneurs d’otages. A sa manière, Ramzy tentera lui aussi de combler ses lacunes face au terroriste asiatique en calquant ses gestes sur ceux de son adversaire : si le corps de Ramzy est en disharmonie avec celui du terroriste, il reste une symétrie de la posture et des cris, pour finalement arriver à une harmonie comique entre ce qu’annonce Ramzy, et les coups qui lui seront portés juste après. Les disharmonies du corps se révèlent aussi entre Eric et Ramzy. Le premier est bloqué par le second dans le conduit d’aération ; Eric n’a aucun sens logique, contrairement à Ramzy qui exploite parfaitement l’espace clos dans lequel il se trouve, pour isoler de plus en plus son ami, qui se rapproche petit à petit d’un chien. Eric ne s’exprimera plus par la parole mais par les gestes. Ramzy domine physiquement et psychologiquement Eric, le rapport de force existe : le duo se retrouve et renaît.


Seuls Two débutait avec une poursuite improbable entre un voleur qui part « avec la caisse », et un policier déguisé en palmier. Le voleur échappait au policier avec une aisance déconcertante au cours d’une poursuite rythmée par James Brown. Le film commence comme pourrait se terminer un épisode de Tom et Jerry ; la souris finit toujours par échapper au chat, impuissant. Cette séquence d’ouverture donne une réponse à la question posée par les films d’Eric et Ramzy : le formidable duo de cinéma se caractérise par un corps enfermé (ici, Gervais dans son déguisement improbable) cherchant à rattraper un corps libéré (Curtis, arrogant, spectaculaire et sûr de lui) afin de se libérer lui-même. Le rapport de force entre l’admirateur et l’admiré constitue l’essence vitale de l’attirance de corps que tout oppose. Une certaine persistance thématique, qui se retrouve dans des films aussi différents que La Tour Montparnasse Infernale ou Steak, et que l’on qualifiait de cohérence artistique chez Laurel et Hardy, amène à reprendre, et à détourner, la célèbre phrase d’Astruc lorsqu’il tentait d’imposer Hitchcock comme un auteur de films : quand deux hommes, depuis dix ans, et à travers six films, racontent à peu près toujours la même histoire : celle d’une admiration secrète du faible pour le fort qui le pousse à le suivre, et maintient, le long de cette ligne unique, le même style fait essentiellement d’une façon exemplaire de confronter les corps et de les plonger dans l’univers réel et froid de notre quotidien, il me paraît difficile de ne pas admettre que l’on se trouve, pour une fois, en face de ce qu’il y a après tout de plus rare dans cette industrie : des auteurs de films[7].


[1] A l’exception de Steak, dont le scénario est de Quentin Dupieux, financé par et écrit pour le duo.
[2] La Tour Montparnasse Infernale.
[3] Eric dira par ailleurs : On n’est pas des enfants de quatre ans !
[4] On peut également supposer que la séparation par un grillage n’est pas fortuite et recèle un nouveau gag : Georges est désormais grillé auprès des Chivers, et ne tardera pas à être exclu du groupe.
[5] Ou sans doute pour se prouver qu’il est policier, comme un enfant porterait une étoile pour prouver qu’il est shérif.
[6] A ce propos, Stéphane Delorme et Jean-Philippe Tessé remarquent dans leur critique du numéro 625 des Cahiers du Cinéma que rarement rire aura été si grinçant.
[7] La phrase originale d’Astruc, écrite dans l’article Quand un homme… dans le numéro d’Octobre 1954 des Cahiers du Cinéma, est : Quand un homme depuis trente ans, et à travers cinquante films, raconte à peu près toujours la même histoire : celle d'une âme aux prises avec le mal , et maintient, le long de cette ligne unique, le même style fait essentiellement d'une façon exemplaire de dépouiller les personnages et de les plonger dans l'univers abstrait de leurs passions, il me paraît difficile de ne pas admettre que l'on se trouve, pour une fois, en face de ce qu'il y a après tout de plus rare dans cette industrie: un auteur de films.